La discipline d’après Ketty Nickels

La discipline d’après Ketty Nickels(directrice de la SEDEF en 2003)

Contexte : L’année 2002-2003 a été très éprouvante et la gestion de classe, notamment celle d’un grand groupe de garçons de 6ème année a été très difficile (pénible).

Pour éviter la répétition des problèmes, j’ai repris, en juillet 2003, contact avec l’animatrice pédagogique que j’avais eue en 1996, durant ma première année d’enseignement.  Je me suis souvenu d’une phrase qui m’a marquée « À la fin de ma carrière, je ne donnais plus  de punitions. »  Je me suis posé la question de savoir comment elle arrivait à ne plus donner de punition.

Voici le compte rendu des pistes, des informations très pertinentes et très efficaces que m’a transmises madame Nickels.  Je lui en suis très reconnaissant.

Le problème de la discipline est souvent présent dans les classes.  C’est pourquoi, j’ai voulu partager toutes ces richesses qui pourront certainement être très utiles à beaucoup d’enseignants.

En bleu, il s’agit des informations communiquées par Madame Nickels.

Résumé de l’entretien du 4 juillet avec madame Ketty Nickels (directrice de la SEDEF)

(suite à l’exposé de mes difficultés rencontrées cette année scolaire 2002-2003 avec mes élèves de 6ème année.)

 Préliminaire :   Avec les grands, il faut faire autorité, il faut s’imposer naturellement.

 Règle générale :

 – Ne jamais demander que ce que je suis sûr d’obtenir.

– Ne pas rappeler ce qui a été dit mais faire exécuter à l’échéance.

– La force de la parole, une parole dite doit être exécutée          

– Ne pas justifier au moment de l’infraction (mais par après, au calme).

– Tout interdit franchi doit être sanctionné.

 Trois étapes dans l’infraction :

 1)       Ne sanctionner que ce que je vois et entends. Ne pas écouter les rapporteurs.

2)       Diminuer la sanction s’il y a des circonstances atténuantes (mais la maintenir)

3)       Rôle éducatif : apprendre à transformer le sentiment violent  en acte autorisé.

 Trois rôles de l’instit :

 1)       L’instit fait la loi : il dit ce qui est interdit (violence, non-respect,…)

Tout ce qui n’est pas interdit est permis = zone d’autonomie

Prévoir un petit nombre d’interdits et de sanctions.

2)       L’instit exécute la loi : il intervient et met hors-jeu les personnes hors-la-loi (Prévoir un endroit hors-jeu)

3)       L’instit est juge et donne la punition

(L’abolition de la punition = le respect de la loi par les élèves)

Expliquer aux parents la loi et le système de sanctions (pour obtenir leur soutien et leur collaboration)

 Questions qui subsistent après cette entrevue :

 1)       Du racket, des coups, du vandalisme non vus (et entendus) en direct par l’enseignant doit-il rester impuni ? « Ne sanctionner que ce que je vois et entends.  Ne pas écouter les rapporteurs. »

 Réponse :   ce qui n’est pas vu ne peut être puni …. Mais, il est évident qu’en cas de soupçon l’enseignant se doit de chercher à voir et faire appliquer la loi

2)       Un bleu, un manteau déchiré, une vitre cassée font-ils partie des infractions vues et à sanctionner si on n’a pas vu ce qui s’est passé au moment même 

Réponse : en cas de dommages constatés après l’acte, il y a lieu, bien sûr de mener une enquête et d’arriver à prouver quel est l’auteur.  Dans ce cas, la loi s’applique

3)       L’autorité expliquée ci-dessus peut ou doit-elle être appliquée pour toutes les tranches d’âge ?

      Réponse : dans une école c’est toujours intéressant d’avoir la même politique partout.  J’ai moi-même travaillé cette loi avec les enseignants d’une école 2 ½ – 8 ans qui s’en sont trouvés heureux

4)       La personne qui sait que ce qui n’est pas vu par l’enseignant ne sera pas sanctionné ne sera-t-il pas tenté de se défendre soi-même, de sanctionner l’autre soi-même ?

Réponse : Il est évident que certains enfants – mais n’est-ce pas déjà le cas – chercheront à faire leurs coups en douce, en cachette.

Celui qui cherche à se faire justice soi-même, par contre, risque d’être pris sur le fait et punissable.

Je rappelle que tous les sentiments sont permis – y compris l’envie de taper parce que personne n’a vu qu’on a été agressé mais quand la violence est interdite elle l’est jusque là.

 Suite à la réponse ci-dessus, j’avais imaginé une loi que je présente pas ici car je préfère vous présenter directement la loi que propose madame Nickels.

Quant à la loi suggestions :                              

1) Actes violents interdits

2) Paroles violentes interdites

3) non respect vis-à-vis des choses interdit

4) Non respect vis-à-vis des personnes y compris de soi interdit

 

Tout ce qui n’est pas interdit est permis

 

Sanctions.

 Toujours : réparer (nettoyer, remettre en ordre…)

En plus : payer si nécessaire

En plus : (suggestions)

Violence : 2 heures de retenue à moduler selon les circonstances atténuantes

                 Non respect : 2 récréations (idem)

  En cas de récidives (répétées) : voir renvoi d’un jour

Questions :

Concernant le non-respect, n’y a-t-il pas trop d’éléments ?  Autrement dit, est-il possible de respecter tous ces interdits ?  N’est-ce pas trop demander ?

a)     Nécessité de définir en quoi consiste le non-respect

 par exemple    ·        moquerie, mépris du travail des autres (vis-à-vis des personnes)

·        dégradation du matériel

  Donc              travailler sur des thèmes génériques

N’y a-t-il pas un risque d’un excès de punitions et par conséquent d’une inefficacité de celles-ci ?

 b)     Excès de punitions ,

Je ne crois pas car il ne peut y avoir qu’excès d’actes répréhensibles

Faudrait-il ajouter une interdiction à la loi ? Exemple : interdit de jouer, de discuter (de n’importe quoi) au lieu de travailler ;  interdit de se mettre dans une situation dangereuse ; …

 c)      Attention : la loi doit être « universelle » et applicable à tous.

Il serait peu sensé d’interdire de jouer, …

Vis-à-vis de la loi tout le monde doit être égal, enseignants comme enfants.

La loi suffit à elle-même.

Ma femme qui a suivi une formation sur la non-violence avec l’Université de la paix me disait que d’après eux, il était préférable d’être positif et de dire ce qui est permis que de dire ce qui était interdit.  Qu’en pensez-vous ?

d)     Bien sûr que la lutte contre la violence exige une attitude positive (ça c’est l’acte éducatif) mais l’enfant a besoin d’interdits c’est-à-dire de limites, limites qu’il trouve de moins en moins dans le milieu familial.

 Propositions pour appliquer la loi.

Plutôt que de faire compléter un document à l’enfant surpris en flagrant délit, d’infraction à la loi, je suggérerais que ce soit l’enseignant qui dresse P.V. et fasse signer l’enfant.

                                                                                               Bonne vacances,

                                                                                              K. NICKELS.

                                                                                              8-7-2003

 

 mardi 8 juillet 2003

 Parmi les réponses, il y en a certaines qui me posent encore problèmes :

  • Dans la loi, vous semblez avoir « oublier » l’interdiction de désobéir à l’enseignant.  Est-ce parce que la loi doit suffire à elle-même que vous ne le mentionnez pas ?  Est-ce un oubli ?  Est-ce parce qu’il ne s’agit pas là d’un acte à interdire ?

Ne pas travailler, ne pas réaliser les tâches demandées ne sont pas des actes de non-respect et de violence.  Ceci devrait donc être autorisé, toléré ?  L’interdiction de désobéir l’enseignant permet justement d’interdire « ne pas réaliser les tâches demandées ».  À moins que « ne pas travaillez, ne pas apprendre » serait une forme de non-respect vis-à-vis de soi-même ?

1.      Interdiction de désobéir à l’enseignant …

Ceci ne peut pas être une loi car la loi doit toujours être suivie.

Interdire de désobéir peut conduire à des abus : l’enfant doit pouvoir désobéir quand par exemple son supérieur lui commande d’enfreindre la loi ou (autre exemple) de se soumettre à ses pulsions.

C’est exact que ne pas travailler ou ne pas réaliser les tâches demandées ne sont ni des actes de non-respect ni des actes violents.

Il s’agit là d’un autre domaine (éducatif), l’élaboration du projet personnel de l’enfant.

La loi aide à l’élaboration du projet personnel qui grâce aux limites qu’elle impose peut germer et se développer.  Le projet personnel fait partie de l’apprentissage.

L’enfant doit être évalué pour progresser dans cet axe.  Les outils sont nombreux à ce niveau.

  • Les lois que vous proposées ne donnent pas d’exemples de non-respect (contrairement à celles que je proposais). Est-ce volontaire ?  N’est-ce pas utile de préciser, de donner des exemples par écrit en dessous de l’interdiction, dans la loi ?

 

2.      Il est utile de donner des exemples mais il est inutile de les écrire dans le cadre.

Il vaut mieux élaborer des documents-synthèse du travail fait avec les élèves pour qu’ils en gardent une trace.

Par exemple :

v     je viole la loi de la non violence quand

Ø      je donne des coups                                               etc ….

Ø      je prononce telle parole                             etc ….

v     je viole la loi du non-respect quand

Ø      je me moque d’un élève                             etc …..

Ø      je dégrade mon matériel scolaire                etc ….

 

  • Vos sanctions me paraissent très sévères (par rapport à celles que je proposais).  Serait-ce là une condition nécessaire pour faire respecter la loi ?

 

En fait, je proposais des sanctions « abordables », pas trop fortes afin de pouvoir les utiliser facilement, rapidement (et fréquemment si nécessaire).  Mais, en y réfléchissant, vous avez certainement raison :  de grosses sanctions feront plus d’effet.

 

3.      Oui les sanctions sont sévères.  Je crois que c’est une condition pour que la loi soit respectée.

Sur les routes, il est interdit de dépasser telle ou telle vitesse.  Si quand j’enfreins la loi je ne dois payer que 20 € je crois que je me donnerais plus de permission que si je dois payer 200 €.

Les « graves sanctions » permettent aussi de tenir compte des circonstances atténuantes.

Attention cependant à ne pas aller trop légèrement vers le renvoi ne fut-ce que pour 1 jour car cette sanction fait l’objet d’un texte légal et doit être soumise à une procédure stricte ; seul le P.O. peut la prendre.

  • Je crains de devoir utiliser trop souvent les sanctions.  (Les retenues dans mon école ne sont prévues qu’une fois tous les 2 mois.  Le renvoi n’est jamais appliqué dans mon école, ce serait donc difficilement applicable sauf en essayant de changer toute la politique de l’école…).

J’imagine mal interdire deux récrés pour une feuille non-respectée (pas soignée). À moins que cela soit une solution… 

Recopier une feuille mal soignée (= conséquence logique = réparation du non-respect) ne suffirait-il pas comme sanction ?

Est-ce que la copie de 2 verbes du Bescherelle (respecter – aimer) pourrait remplacer la retenue ?

Y aurait-il d’autres sanctions très sévères autre que la retenue et le renvoi ?

6.  Dois-je donner du travail durant les retenues et les récréations supprimées ? 

 

4-6-7.  Les sanctions à elles seule ne suffisent pas.

L’établissement du système a son importance : rite d’installation de la loi, réunion de parents pour qu’ils viennent en renforcement, séparation des 3 pouvoirs etc ….

Il est évident qu’au début il faudra donner des sanctions et s’il s’agit de retenues les assumer toi-même ce qui nécessitera sans doute que tu informes ta direction et tes collègues sans leur demander à eux d’assumer ce que tu instaures dans ta classe.

J’attire ton attention sur le fait qu’une feuille mal soignée n’est pas une infraction à la loi … la faire recommencer n’est pas une sanction mais une simple exigence de rigueur.

Faire copier …. et obtenir ce que l’on a fait copier demande beaucoup d’énergie à l’instituteur et « mélange » 2 domaines.

De plus sanctionner dans le domaine du travail scolaire dégoûte souvent l’enfant de ce travail scolaire.

Un enfant en retenue ne doit pas avoir de punition supplémentaire, il doit pouvoir s’y ennuyer …ou travailler parce qu’il le décide.

Y a-t-il d’autres sanctions : je n’en vois pas qui ne soient pas sans effets pervers (dégoûter) et qui ne placent pas l’enseignant dans une situation où il pourrait ne pas être obéi.

Ø      la retenue coûte du temps, rien d’autre

Ø      la suppression des récréations coûte soit une surveillance (donc du temps) ou une infrastructure qui permette d’isoler l’enfant ans qu’il puisse – de rage – faire d’autres dégâts

Ø      le renvoi est la sanction extrême qui ne doit être appliqué que pour les cas graves et répétés (voir ci-dessus) et est soumis à une procédure stricte

  • La moquerie, est-ce bien un non-respect et l’injure, une parole violente ?5. Moquerie = non respect

    Parole violente = violence

7.   Certains enfants aiment rester en classe durant les récréations (pour travailler).  Serait-ce donc une bonne sanction de supprimer les récrés (à moins qu’il y ait du travail à effectuer) ?

 L’enfant privé de récréation doit s’ennuyer.

                                                                                                     K. NICKELS.

                                                                                                                10.07.03

 

 Encore un tout grand merci à toi Ketty pour ton aide judicieuse.

La formation sur le respect  de Jean-Marie Delire (ancien instituteur, directeur et actuellement formateur pour la FOCEF) qu’a reçue notre école présente beaucoup de similitudes avec les pistes de madame Nickels.  Quelques différences subsistent néanmoins.  Si vous voulez les découvrir, cliquez sur le lien suivant : La discipline d’après Jean-Marie Delire (ancien instituteur, directeur et actuellement formateur)

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