Pourquoi cette réflexion ?
– Parce que j’entends beaucoup de personnes qui disent que « les jeunes ne savent plus travailler » « les jeunes n’ont plus le sens de l’effort » « les devoirs développent le sens de l’effort. »
– Parce que j’ai envie de comprendre pourquoi certaines personnes sont si « molles » et d’autres si courageuses.
– Parce que je n’ai pas envie que mes enfants deviennent inactifs et passifs face au travail.
– J’avais déjà développé partiellement ce sujet dans mon travail de fin d’étude « Quels devoirs développent quels sens de l’effort ? ». J’ai voulu synthétiser les informations principales à retenir et y ajouter mes convictions actuelles.
Posons-nous les questions suivantes :
– À quel moment nous mettons-nous en activité ? Quelles sont les raisons principales de l’effort, de la mise en activité ?
– À quel moment refusons-nous l’activité ? Quelles sont les raisons profondes de la non-activité ?
– À quel moment travaillons-nous par plaisir ?
– À quel moment travaillons-nous sans plaisir, pour une autre motivation, par obligation interne (nous nous obligeons à réaliser la tâche) ?
– À quel moment travaillons-nous uniquement par obligation externe (quelqu’un d’autre nous oblige à le faire) ?
Paramètres qui déterminent la quantité d’effort
+ perception de la difficulté
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Est-ce possible ? Est-ce faisable ? Quelle quantité d’énergie vais-je devoir déployer ?)
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+ confiance en soi
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Suis-je capable de réussir ? Suis-je assez bon ?
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+ perception du sens d’activité
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Est-ce utile ? Cela va-t-il servir à quelque chose ?
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+ souvenir d’évènements vécus, renforcements vécus
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Est-ce plaisant ?
Brigitte Rollet signale dans un article « L’évitement de l’effort » que plusieurs études à grande échelle ont pu montrer que les causes de l’évitement d’effort venaient d’expériences frustrantes au moment des premiers contacts de l’apprenant dans le domaine considéré. |
+ motivationS ou besoinS
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Motivations extrinsèques (externes au travail ; ce sont les paramètres extérieurs au travail qui provoquent l’effort, l’activité)
– l’obligation, ne pas être sanctionné (danger : l’enfant produira l’effort minimum, juste ce qu’il faut pour ne pas être puni) – la récompense matérielle (argent, points) ou morale (félicitations) (danger : Si l’enfant est habitué aux récompenses, il ne travaillera plus lorsqu’il n’y a pas de récompense à la clé.) – le besoin d’être le meilleur, le plus fort, de remporter la compétition (danger : l’enfant travaille au détriment de l’autre, en espérant que l’autre ne réussisse pas) – le besoin d’être reconnu par les autres – se valoriser, défi, envie de se surpasser – l’envie de faire plaisir, d’aider Motivations intrinsèques (internes au travail ; c’est le travail en lui-même qui provoque l’activité, l’effort) – le résultat de l’effort, l’aboutissement procure du plaisir – le travail procure du plaisir (et/ou répond à un besoin) – l’envie de solutionner le problème – le plaisir de réussir, de terminer, de bien faire ce que l’on entreprend Les motivations « vertes » sont les plus saines psychologiquement. |
Comment développer le sens du travail ?
– renforcer positivement le résultat du travail (récompense psychologique ou matérielle). Cette récompense ne doit pas être forcément la motivation de départ mais servira de souvenir positif pour espérer une répétition de l’acte.
– Renforcer négativement un travail bâclé.
– augmenter la confiance en soi chez l’enfant (pour qu’il se sente capable de réussir)
– rendre le travail plus plaisant (travailler en groupe, en musique, à l’extérieur,…)
– Prendre conscience du plaisir que procure le travail, le franchissement des difficultés et l’aboutissement au produit fini. Prendre conscience qu’avant d’arriver au plaisir, on est passé par des épreuves difficiles et moins plaisantes.
– Habituer la personne à être active (pour que l’action devienne facile et naturelle)
– (Imposer l’ennuie comme punition)
Quels comportements annihilent (paralysent) le sens du travail ? (Actions à éviter)
– Ne proposer que des activités sans obstacle, sans difficulté (habituer la personne à la facilité)
– Ne proposer que des activités courtes, rapides et qui procurent immédiatement du plaisir (habituer la personne au plaisir immédiat).
– Contraindre l’enfant à des tâches monotones, rébarbatives (dégouter l’enfant du travail)
– Renforcer négativement le résultat d’un travail long et « pénible » (en donnant par exemple une cote de 2/10).
– (Imposer le travail comme punition)
– (Renforcer positivement un travail bâclé)
Interview
Je viens d’interroger la « Bobonne » de ma femme qui a 67 ans. Ses réponses semblent confirmer les thèses ci-dessus. – Pourquoi nettoies-tu ta caravane ? – Parce que j’aime bien nettoyer. J’ai toujours nettoyé chez les autres avec plaisir. Mais c’est aussi parce que je recevais mon argent directement à la fin de ma journée. – Y a-t-il des choses que tu fais mais que tu n’aimes pas ? – Oui, je n’aime pas laver les carreaux. – Pourquoi le fais-tu quand même ? – Pour que ceux qui me rendent visite ne disent pas que je suis sale. – Y a-t-il des choses que tu ne fais pas alors que tu en as « envie » ? – Oui, faire de la gym chaque matin. – Pourquoi ne le fais-tu pas ? – Parce que c’est fatiguant. – Serait-ce aussi parce que tu ne vois pas tout de suite le résultat de tes efforts ? – Oui, exactement, j’aurais envie que cela se voit tout de suite. Mais comme je ne vois aucune différence après deux jours, j’arrête. – Quand tu étais enfant, t’a-t-on souvent obligé à faire des choses que tu n’aimais pas ? – On nous obligeait à travailler mais cela ne me déplaisait pas. Je le faisais sans « râler » |
Si vous voyez des personnes qui n’arrêtent pas de travailler, demandez-leur pourquoi elles travaillent ainsi, quelles sont leurs motivations ?
La plupart des personnes que je connais et qui travaillent énormément AIMENT travailler, aiment leur travail.
J’en connais d’autres qui travaillent énormément pour devenir riche, pour leur récompense.
Mais aucune de ces personnes ne déploient autant d’énergie uniquement par obligation, par contrainte. Celles qui n’aiment pas leur travail, qui travaillent uniquement par nécessité financière produisent l’effort « minimum » et nécessaire pour obtenir leur récompense (leur argent).
Ce n’est donc pas l’obligation (seule) qui développent le sens du travail, le sens de l’effort, le plaisir du travail.
L’obligation peut être nécessaire pour permettre à l’enfant d’aboutir au produit fini et prendre conscience du plaisir d’obtenir un résultat. Mais l’obligation qui n’aboutit pas sur une satisfaction, un plaisir contribue à diminuer le sens de l’effort chez l’enfant.
Bruno Dobbelstein
30 juillet 2004